Il est clair que le texte est court… difficile de mettre des centaines d’années d’histoire en contexte en si peu de mots. C’est que les contraintes du papier sont réelles, et ce n’est pas du contrôle du journaliste.
Mais j’espère que ce texte vous permettra de réaliser qu’il existe d’autres façons de travailler avec les Inuits, avec ces gens de coeur qui souhaitent s’épanouir comme peuple, en gardant certaines de leurs traditions culturelles, dont la langue.
Ce reportage m’a permis de rencontrer des gens formidables, généreux, de découvrir des coins de la planète magnifiques qu’on ne devrait pas prendre pour acquis… et qu’on devrait chérir.
C’est un honneur pour moi de vous partager ce reportage publié dans le Magazine Jobboom de novembre sur les professionnels de la santé au Groenland.
Ce voyage a été tellement enrichissant : pour mes yeux de voir d’aussi beaux paysages, pour mes oreilles d’entendre le chant du groenlandais et le son du vent nordique, pour mon nez pour sentir l’air pur et frais de l’Arctique, pour mes mains qui ont touché les icebergs et la toundra.
Enrichissant aussi comme journaliste de voir autre chose, une autre vision de l’Arctique.
Après plus de 9 mois de recherche, de lectures et de rencontres, après plus d’un mois sur le terrain au Nunavik et au Groenland, voici enfin le fruit de mon travail:
Quand Hans Egede est arrivé au Groenland en 1721, il voulait évangéliser les Vikings. Mais ceux-ci avait disparu de l’île depuis déjà plusieurs siècles! Le seul peuple qui habitait le Groenland était les Inuit. Il a donc décidé de les évangéliser. Ses élèves ont appris la langue locale, traduit la Bible dans cette langue pour permettre aux Inuit de prier Dieu dans leur langue. C’est depuis ce temps que le territoire est resté entre les mains du Danemark. Les Américains ont bien essayé de mettre la main sur cette île stratégique de l’Atlantique Nord mais sans succès.
Quelques siècles plus tard, dans les années 1950, le Danemark trouvait que de donner des services à des petites communautés éloignées devenait difficile. Il a donc décidé de fermer plusieurs petits villages autour de Nuuk, la capitale. Pour « s’excuser » de devoir exproprier des familles entières d’endroits trop isolés, le gouvernement danois a fait construire des tours d’habitations à Nuuk pour loger tout ce beau monde.
À l’architecture stallinienne troublante, ces blocs d’appartements sont laids, vétustes et inadéquats. Et les gens de Nuuk en ont marre. Alors on détruit! Le bloc P est le plus gros et le premier à se faire démolir de la sorte. Pour les habitants de Nuuk, démolir le Bloc P, c’est comme jeter les mauvais souvenirs du mauvais colonialisme danois et repartir sur de meilleures bases, plus solides. C’est aussi détruire l’emblême même du colonialisme récent et les problèmes sociaux qu’il a entraîné.
Par contre, pour de nombreux Groenlandais, c’est aussi l’obligation d’aller vivre ailleurs, plus loin dans les collines de roc autour du centre-ville. C’est devoir prendre l’autobus (ou même devoir acheter une voiture) pour se déplacer. Les appartements des dix blocs adjacents au Bloc P (plus petits et allignés comme des soldats au coin des rues les plus achalandées du centre-ville) sont pourtant très convoités. Ils sont vétustes, désuets, mais certains préfèrent habiter dans ces logements plutôt que de devoir marcher une heure pour aller à l’épicerie.
Et certains disent qu’on fait juste déplacer les problèmes sociaux et la pauvreté à l’extérieur du centre-ville. Mais que ce n’est pas en démolissant des bâtiments où des gens en difficultés vivent qu’on aidera ces gens.
Les dix blocs appartements dans le centre-ville de Nuuk ont été construits dans les années 1950-1960 pour loger les habitants des villages environnants qui ont été fermés.
Le fameux Bloc P, vestige du passé danois colonialisme récent au Groenland.
Pour plusieurs, la destruction du Bloc P ne signifie pas la fin des problèmes sociaux qui s’y cachaient. Par contre, c’est une fierté des habitants de la capitale de démolir une architecture plutôt déprimante en plein centre-ville.
De retour au Québec, j’ai des nouvelles plein la tête! Et je vous promets encore d’autres photos et des réflexions concernant le Groenland, un territoire vraiment fascinant.
J’ai été particulièrement impressionnée par le choix de nourriture dans les épiceries à Nuuk. On y constate évidemment les influences européennes… chaque épicerie a une boulangerie avec des succulentes danoises et du pain frais. Mais on y retrouve aussi des produits locaux. Du saumon fumé, des crevettes et du flétant préparés à l’usine de transformation de Nuuk, du boeuf musqué fumé et du mattak, la peau de baleine servis dans un restaurant. Il y a même une brasserie où on y fabrique des bières locales avec les grains du sud du Groenland.
Des pâtes au cari, crevettes et mattak. Le mattak est de la peau de baleine avec un petit peu de gras sous la peau. Malgré une texture très différente, le goût salé du mattak ressemble à beaucoup de produits de la mer.Au centre culturel Katuaq de Nuuk, on peut goûter à de nombreux plats faits à partir de produits locaux. Ici, des tapas groenlandais: poisson séché, flétan du Groenland, saumé fumé, pétoncles, boeuf musqué fumé. Une bonne façon de goûter à un peu de tout!Le sous-verre représentant la brasserie locale de Nuuk. La bière est très bonne, le goût de rapproche de la fameuse Ale anglaise.
Le soleil est sorti aujourd’hui… un peu. Juste le temps de montrer la ville sous un autre oeil. Avec le brouillard qui jouait à la cachette avec le soleil dans le fjord, c’était encore plus agréable à regarder.
L’ancienne mission des Frères moraves donnant sur le fjord à Nuuk.
Une autre perspective différente quand il fait beau à Nuuk, c’est de voir les montagnes qui bordent la ville et le fjord qui se dessine au loin. C’est impressionnant de voir ces immenses morceaux de roc se dresser autour de la ville alors qu’ils n’étaient pas visibles depuis les derniers jours à cause des nuages très bas. La vue y est d’ailleurs époustouflante! Ici, sur la côte menant à l’université, on voit le port de Nuuk. Avoir un bateau pour la majorité des Groenlandais est plus important que de posséder une voiture. Parce que pour sortir de la ville, la voiture ne se rend pas très loin! Au loin, on peut voir un bateau de croisière.
Du haut de la colline menant à l’unversité, la vue sur le port de Nuuk est magnifique.
J’ai aussi appris la signification de la sculpture devant le palais de justice… Ces deux hommes jouant du tambour règlent en fait leurs conflits. Cette tradition millénaire était jadis (avant l’arrivée des Danois en 1721) utilisée pour régler des conflits.
Une sculpture devant le palais de justice de Nuuk représente la danse au tambour.
Parce que la beauté d’être journaliste, c’est aussi de rencontrer des gens. Et je suis quand même ici pour travailler! Aujourd’hui, j’ai été gâtée par des rencontres riches. La générosité des gens ici est très grande, ils sont accueillants, contents de pouvoir discuter de leur travail. J’ai donc passé une partie de ma journée à l’hôpital pour rencontrer des professionnels de la santé. En cognant de porte en porte, j’ai pu rencontrer quatre professionnels et d’autres rencontres sont planifiés pour les prochains jours. Nul besoin de prendre rendez-vous à l’avance ni de contacter les communications de l’hôpital pour avoir une visite… Encore une fois, l’efficacité des contacts informels prend le dessus sur les contacts institutionnels!
L’hôpital de Nuuk au Groenland. Elle subit présentement des rénovations pour accueillir une nouvelle aile. Celle-ci permettra de pratiquer plusieurs chirurgies au Groenland plutôt que d’envoyer les patients au Danemark. Le gouvernement du Groenland a cru bon investir dans les infrastructures locales et déplacer les spécialistes au Groenland plutôt que de payer le transport des patients jusqu’au Danemark.