Débat linguistique Québec-Groenland

Alors que le PQ annonce des mesures pour resserrer la loi 101 en pleine campagne électorale, le Groenland s’interroge sur la place du groenlandais dans leur société. Et le parallèle est assez intéressant…

Le groenlandais de l’ouest ou Kalaallisut est une langue qui se rapproche de l’inuktitut, la langue parlée par les Inuit du Canada. Par contre, le groenlandais est désormais écrit avec l’alphabet romain plutôt que syllabique (symboles par syllabe). Il existe également le groenlandais de l’est, parlé par moins de 1000 personnes maintenant, mais considéré comme une langue séparée du groenlandais de l’ouest.

Depuis 2009, le groenlandais est la langue officielle de ce territoire danois qui possède toutefois un statut d’autonomie vis-à-vis du Danemark. Ainsi, les jeunes qui habitent le Groenland doivent être éduqués d’abord en groenlandais.

C’est que le gouvernement craignait la disparition du groenlandais, qui était de moins en moins parlé par les jeunes notamment puisque l’éducation postsecondaire se fait encore en danois. D’ailleurs, toute une génération, celle qui est dans la trentaine aujourd’hui, ne parle pas nécessairement groenlandais. Certains le baragouinent, d’autres ne le parlent plus du tout.

Or, plusieurs personnes, rencontrées lors de mon récent séjour, craignent que ce resserrement ait un effet encore plus dévastateur. Non seulement cette loi oblige les entreprises étrangères qui font des affaires au Groenland d’avoir tous leurs documents en groenlandais (ce qui peut être très coûteux), elle exige également que les jeunes apprennent d’abord en groenlandais. Un médecin me partageait sa méfiance de cette loi et les conséquences sur ces jeunes. Il disait que si les jeunes Groenlandais souhaitent accéder aux études postsecondaires, ils doivent parler danois ou anglais. Ne pas encourager l’apprentissage de ces langues dès le plus jeune âge, c’est fermer des portes à la jeunesse, disait-il. Certains articles de cette loi linguistique a pris racine… dans la loi 101 du Québec!

D’autres préfèreraient apprendre l’anglais comme deuxième langue plutôt que le danois. D’ailleurs, la popularité des programmes d’échanges étudiants à l’étranger est très grande au Groenland. Pour apprendre l’anglais, nombreux se rendent notamment aux États-Unis pour une période d’un an. J’ai fait ce genre d’échange étudiant à la fin de mon secondaire, et j’y ai d’ailleurs rencontré une Groenlandaise que j’ai revue la semaine dernière après 13 ans! Elle aussi mentionnait que l’anglais devenait de plus en plus important à apprendre, en plus du danois (puisque beaucoup de choses se passent en danois dans l’administration publique, même si le groenlandais est la langue officielle).

D’ailleurs, la langue courante parlée est plutôt le dan-landais. Parce que le groenlandais est bourré de mots danois. Les jeunes sont souvent bilingues avant même d’entrer à l’école parce qu’ils ont un parent Danois et l’autre Groenlandais ou encore parce qu’ils ont été à la garderie groenlandaise. C’est assez musical à entendre, car les deux langues n’ont pas du tout les mêmes tonalités!

Alors qu’en Europe, il est courant de voir des jeunes parler quatre, cinq, même six langues, au Groenland, les jeunes parlent une langue informelle formée de deux langues importantes… Pendant ce temps, au Québec, les jeunes peinent à baragouiner l’anglais après neuf ans d’enseignement.

Publié par Mariève Paradis

Fille de mots, passionnée de plein air et mère de 2 tannants

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6 commentaires

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  1. C’est difficile de parler de faiblesse de l’argumentaire quand on sait que:
    – Selon la loi signée en 2009, le Groenland pourra être un pays indépendant lorsqu’il aura les moyens de « subvenir » à ses besoins en matière de programmes sociaux, d’éducation et de soins de santé. Le Danemark donne encore un montant d’argent substanciel au Groenland.
    – Pour être indépendant, le Groenland a donc besoin de revenus. Et il y a deux façons d’obtenir ces revenus: le tourisme et le développement des ressources.
    – Pour développer les ressources, le Groenland a besoin des connaissances des entreprises étrangères car il n’arrive pas à former suffisamment de main-d’oeuvre qualifiée.
    – Donc, avec les entrevues que j’ai faite, je comprends que l’indépendance du Groenland passe par l’ouverture sur le monde, les possibilités du peuple groenlandais à aller chercher des connaissances à l’extérieur pour les ramener sur le territoire et le développement d’une main-d’oeuvre locale qualifiée. L’indépendance du Groenland passe par l’apprentissage d’une et même de plusieurs autres langues…
    Je ne crois pas que la loi 101 soit méchante, pas du tout et ce n’est pas ce que j’ai dit. Mais je crois que la volonté de préserver une langue se passe tout d’abord à la maison. Collectivement, on peut se donner des moyens pour préserver notre identité, mais rien ne sera plus important que les valeurs qu’on inculque à nos enfants pour préserver notre langue et notre culture.

  2. Mariève, tes articles sont très intéressants comme toujours. J’ajoute cependant mon grain de sel en essayant de ne pas être trop déplaisant.

    Au plan des similitudes je constate la même faiblesse argumentaire de ceux qui prône le laisser-aller sur le plan de la défense de la langue maternelle ( coûte cher en papier, se fermer des portes, repli sur soi identitaire, etc.) au Groenland qu’au Québec. Personnellement, ayant grandi et étudié en région, j’ai observé que la plupart de mes amis qui ont eu à mener une carrière comportant la maîtrise de l’anglais ont pris les moyens de l’apprendre (cours et immersions volontaires) et ce malgré les lacunes réelles ou discutables de notre parcours académique. Je ne connais pas personne qui a du renoncer à ses rêves car brimé par la méchante loi 101.

    Dans un monde idéal, nous pourrions être tous multilingues et cela pourrait être une richesse individuelle et collective certaine pour les individus et sociétés pour qui c’est possible. Dans les faits, une langue ça peut disparaître et je comprends très bien les groenlandais comme les québécois de prendre tous les moyens nécessaires pour préserver la leur avant qu’elle ne soient connue que de moins que 1000 personnes, et ce, peu importe le prix des traductions.

    Enfin, je n’ai pas de base de données à ce sujet et peut-être que j’ai un préjugé, mais, sans atteindre les performances de pays européens multinationaux, je crois que les jeunes québécois s’en sortent assez bien pour «baragouiner» l’anglais si l’on compare leur connaissance d’une langue seconde vs celles des jeunes canadiens anglais ou américains.

  3. Ben là, je vais être assise sur le bout de mon siège longtemps! tu me diras c’est lequel pour que quelqu’un l’achète pour moi! Hihi. Tu vois toutes ces idées intéressantes! Au pire, pour le suspense, tu peux effacer mon commentaire! à bientôt
    xx

  4. Parralèle intéressant à faire aussi avec la situation au Nunavik… Inuktituk jusqu’en 4e année primaire, devoir décider ensuite entre le français et l’anglais, études secondaires et post-secondaires en langue seconde, obligation dans toutes les organisations à avoir les documents en Inuktituk ($$$$) et tout le monde en réunion qui parle une langue seconde (l’anglais)… Je trouve que ce sont des choix déchirants à faire. La langue maternelle vs les possibilités professionnelles. Est-ce vraiment tout le monde qui a le « talent linguistique » pour écrire et parler couramment 2 ou même 3 langues?

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