Est-ce que ça prend des morts?

Ça fait des jours que je lis et que je rage. J’ai mal. Le coeur de la journaliste en moi, pleine d’idéaux (et peut-être un peu naïve, j’en conviens) saigne abondamment. Mais je n’arrivais pas à écrire sur le sujet. Je me disais que déjà beaucoup (trop?) de choses ont été écrites sur l’attentat visant Charlie Hebdo, qui a fait des morts et aussi des blessés. Qu’est-ce que j’apporterais de plus à la réflexion? Mais voilà qu’un texte de David Desjardins publié dans Le Devoir aujourd’hui vient de m’inspirer. C’est même plus que de l’inspiration. Parce que le texte que vous allez lire, c’était plutôt un statut Facebook pour parler de l’article… Mais mes doigts se sont mis à courir sur mon clavier, sans que je réalise que j’avais écrit un texte beaucoup trop long à balancer sur un réseau social…

Le journalisme, partout dans le monde, est en péril. Pas à cause de cet attentat. Il l’était bien avant. À cause que l’immobilisme. On regarde les médias mourir un à un dans une indifférence totale, et même parfois avec un petit sourire de satisfaction parce que ce média était « de gauche, de droite, corrompu », finalement parce qu’il écrivait des choses qui choquent nos valeurs…

« Il faudrait nous avouer que nos vies sont bien trop confortables pour y faire entrer le conflit d’idées, l’affrontement intellectuel, l’effort de penser pour soi, de lire et d’écouter ce qui nous dérange, puis d’y répondre. D’aller au-delà de la provocation, de regarder ce qu’elle recèle. »

David Desjardins, Le Devoir, 10 janvier 2015

 

Pis après? Les journalistes crient depuis plusieurs années que le bateau est en train de couler. Que rien ne va plus dans le modèle « d’affaires » des médias. Que la guerre aux clics nuit à la qualité de l’information. Que la démocratie va finir par en souffrir. Est-ce que ça prend des morts pour avoir une prise de conscience à quel point la liberté d’expression est précieuse? Est-ce que ça prend des morts pour qu’on réalise que le journalisme va au-delà du blogue personnel, du contenu fait bénévolement, commandité par des entreprises qui préfèrent donner leurs produits gratuitement plutôt que d’annoncer dans les médias? Que le journalisme va au-delà des trucs, des conseils, des astuces pour mieux survivre à notre réalité? Que le journalisme, c’est pour mieux réfléchir sur le mieux vivre ensemble?

« Il faudrait cesser de regarder nos libertés se dissoudre dans la rectitude, laissant ainsi la santé de la démocratie se détériorer, observant l’espace médiatique s’adonner à la niaiserie permanente, à l’humour sans conséquence qui nous reconduit dans le consensus mou du rire bien gras, nous refusant à toute critique de peur d’être taxés d’élitisme. »

David Desjardins, Le Devoir, 10 janvier 2015

 

Si ça prend des morts… ben là, c’est fait. Alors, est-ce qu’on peut faire quelque chose pour que le journalisme garde son indépendance? Est-ce qu’on peut faire quelque chose pour apprécier le travail de ces journalistes qui travaillent toujours plus pour toujours moins? Est-ce qu’on peut faire quelque chose pour garder notre démocratie en santé?

Parce que ça serait le temps-là… maintenant. Plus que jamais.

Publié par Mariève Paradis

Fille de mots, passionnée de plein air et mère de 2 tannants

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